Au cœur de l'atelier Calathéa, niché dans le charmant village de Tillac, Séverine Vidal œuvre avec passion pour redonner vie aux meubles oubliés. Ébéniste et restauratrice de talent, elle maîtrise les techniques traditionnelles tout en explorant des approches innovantes comme le placage de bois et l'upcycling. Son savoir-faire unique et sa créativité transforment chaque pièce en une œuvre d'art, où l'histoire du meuble se mêle à une esthétique contemporaine.
Dans cet entretien, Séverine Vidal nous ouvre les portes de son univers et nous dévoile les secrets de son métier. Elle partage avec nous son parcours, ses inspirations, ses techniques et sa vision.
Pouvez-vous nous raconter ce qui vous a poussé à devenir ébéniste et à vous spécialiser dans le travail du placage créatif ?
Je me suis reconvertie après des années de salariat dans des domaines de gestion d’entreprises et de management - L’ébénisterie est devenue une évidence car je rénovais déjà des meubles et aimais la matière vivante « Bois ». J’ai suivi un cursus au sein de l’Institut des métiers d’art et de l’artisanat d’art sur Revel, obtenu un CAP d’ ébénisterie d’art et eu la chance d’être formée auprès d’un ancien artisan, rêvant ébénisterie depuis ses 13ans et spécialisé en restauration de meubles d’époques, un coup de cœur humain.
Le placage a été mon deuxième coup de cœur, découvert à travers la restauration de meubles d’époque, la marqueterie, notamment la marqueterie Frizz, m’a révélé que tradition et modernité peuvent coexister. Relooker des meubles avec de la peinture est vite entré en contradiction avec mes valeurs. En quelques mois, le placage teinté s’est imposé comme la solution idéale : moderniser, styliser, tout en,restant fidèle aux techniques d’ébéniste. Après tout, l’ébénisterie tire son nom du travail du placage d’ébène, né sous Louis XIII avec les cabinets.
Le placage offre des possibilités infinies. Qu’est-ce qui vous inspire le plus dans cette technique, et comment choisissez-vous vos matériaux ?
Ce qui m’inspire dans le placage c’est d’abord :
• L’esthétisme, les couleurs et les textures : Certaines essences rares et précieuses apportent du raffinement, tandis que d’autres, texturées, irisées, nacrées ou pommelées, offrent une dimension visuelle et sensorielle unique. Les placages teintés, quant à eux, modernisent le bois massif tout en conservant son authenticité, sans avoir recours à la peinture.
• Sa flexibilité, source infinie de créativité : Courbé, découpé, superposé, creusé ou gratté, le placage offre d’innombrables possibilités. Je suis encore au début de mon exploration, mais déjà fascinée par tout ce que ce matériel permet.
Pour les meubles de collection c’est souvent mes coups de cœurs d’essence ou couleurs qui me pousse à vouloir les travailler (je les aimes bien texturés, pommelé, piqué, avec ronce etc...). Le meuble m’inspire aussi, je m’imagine des histoires tout autour si je n’ai pas leur historique.
Pour les projets clients sur-mesure c’est leurs intérieurs qui m’inspirent, c’est ainsi que je demande toujours des photos de leur ambiance afin d’harmoniser mes propositions de placage, en plus bien entendu de prendre en compte leurs envies.
Vous associez souvent le placage à d'autres matériaux comme le cannage ou les tissus. Comment imaginez-vous ces combinaisons dans vos projets ?
Le meuble lui-même est une source d’inspiration. Je préserve au maximum son bois massif lorsqu’il en possède, son essence claire, moyenne ou foncé – brune, dorée ou plutôt rousse m’oriente déjà vers des coloris de placages plus adaptés que d’autres.
J’adore les contrastes clair/obscur comme le RockingChair ou le buffet MADO – chaud / froid comme cette chaise MADONE …Sa lourdeur me poussera à le retravailler avec du cannage ou du verre.
Le placage apporte de la couleur et met en valeur certaines parties qui se prêtent bien à cette technique, comme les tiroirs, les plateaux abîmés ou les fonds de portes.
J’ajoute souvent une touche de tapisserie, toujours en harmonie avec le placage, pour un effet graphique subtil, car j’aime aussi beaucoup les éléments très graphiques qui crées aussi des contrastes.
J’ai mes propres fascinations... j’adore le doré par petites touches, le laiton est donc un matériel que j’essaie toujours de placer en incrustation ou en quincaillerie...
Quand j’ai un doute sur le rendu final, je réalise une projection 3D pour valider l’ensemble en un clin d’œil.
Vous avez choisi de valoriser les chutes de placage en créant des bijoux et des objets
décoratifs. Comment est née cette idée, et que représente pour vous le concept de "zéro déchet" ?
La démarche zéro déchet encouragée par la CMA m’a poussée plus loin dans la valorisation de mes déchets. Le placage étant une matière précieuse, l’idée s’est imposée d’elle-même en plus de mon goût pour les bijoux.
Pour moi, le zéro déchet est avant tout un retour au bon sens. Mon métier en est déjà un exemple : chaque année, des tonnes de meubles sont jetées alors qu’elles pourraient être restaurées. Et pourquoi automatiser à outrance, avec son lot de consommables, d’électricité et de pièces de rechange, quand on a des mains pour créer ?
C’est aussi une mentalité : Je ne cherche pas à produire en volume, contrairement à ce que notre société impose aujourd’hui. On me dit souvent : "Tu devrais faire comme ci ou comme ça, ça irait plus vite !" Mais pour moi, l’essentiel est ailleurs : la qualité, la douceur du bois, sa sensualité…
Tout ce qui fait que j’aime ce métier, si je faisais les choses autrement, de manière automatisée, je ne prendrais plus un tel plaisir.
Pouvez-vous nous parler d’une restauration ou d’un relooking particulièrement marquant ?
Je pourrais vous parler du Mado, la pièce qui a marqué un tournant dans mon travail et m’a définitivement éloignée de la peinture.
Ce vieux Mado, en piteux état, avec un plateau troué, était lourd et trop sombre. Pourtant, après un travail de stylisme, il a révélé un meuble moderne et plein de caractère.
Son plateau a été refait en acajou avec un frisage clair et foncé (tout en contraste), lui donnant un style tropical.
Son bâti en hêtre clair reflète la lumière, l’acajou vient lui donner du caractère, tandis que le cannage naturel des portes allège l’ensemble. J’ai aussi soigné l’intérieur en tapissant les tiroirs avec un motif haut de gamme d’oiseaux tropicaux.
Dans ce meuble, il y a à peu près tout ce que j’aime… de la simplicité, du caractère, un peu de bling mais pas de bling bling.
Votre démarche inclut des déplacements dans tout le Sud-Ouest. Comment travaillez-vous avec des clients à distance ou sur des projets plus éloignés ?
Pour la réparation et la rénovation de meubles, j'interviens sur un périmètre Auch – Tarbes environs. Tout commence par un rendez-vous gratuit pour examiner le meuble et établir un devis. Ensuite, je travaille soit chez le client, soit dans mon atelier, dans ce cas le client me livre son meuble ou me demande de venir le récupérer.
Pour les meubles de collections, je livre mes meubles de collection partout en France grâce à un transporteur écoresponsable qui optimise les trajets pour éviter les vides.
Concernant le stylisme sur mesure sur le meuble d’un client, le premier contact se fait généralement par téléphone ou par mail. Je demande toujours des photos du meuble, les envies du client et des images de son intérieur et de sa déco. Je propose ensuite 1 ou 2 options tarifées (pour que le client puisse estimer le coût du projet). Ces propositions sont validées après la visite du meuble, car parfois, il peut y avoir de grosses réparations à effectuer qui ne m’ont pas été signalées. Après cette visite, qu’elle soit en personne ou en visio pour les clients plus éloignés, je prépare le devis.
Le client peut soit me confier son meuble en me le livrant à l’atelier, soit je me charge de le récupérer chez lui. Sinon, je propose un service de shopper, où je trouve un meuble à styliser pour le client.
Si la projection est complexe, je peux réaliser une simulation 3D, mais en général, ils me font confiance.
Quelle est votre vision de l’ébénisterie artisanale dans un monde où la consommation de masse prédomine ?
Une résistance, vraiment... Face à la production de masse peinte au green marketing, face à la volonté d’uniformisation des goûts, à l’effacement de nos singularités, à la dictature du bon goût décidé par je ne sais qui...
Je suis tellement heureuse et inspirée quand je rentre chez des clients qui ont gardé leur identité, qui savent reconnaître la valeur du travail artisanal, qui aiment l’art et l’originalité.
C’est ainsi que j’aime et que je recherche les contrastes, dans un univers où tout est lisse, mono-couleur et pâle…
Alors ces meubles d’artisans sont souvent plus chère oui, mais qu’en est il de leur qualité, de leur originalité, de « l’énergie » que vous transmets cet objet ? Un d’artisan vous donne toujours un peu de lui dans ses créations, pensez y...
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